ILLUMINATI
Des enluminures datant du XVe siècle tirées en partie des Très Riches Heures du Duc de Berry par les frères de Limbourg, constituent la matière première de la série Illuminati.
Le verbe latin illuminare (« éclairer », « illuminer ») montre que l’enluminure tantôt se mêle au texte et tantôt s’en éloigne, au point même, parfois, de ne plus entretenir aucune relation avec lui.
Dans le droit fil de cette idée, les enluminures de la série ont subi des anamorphoses, des effacements partiels et des extrapolations diverses les menant vers une forme abstraite. Le résultat évoque le souvenir d’un manuscrit riche en couleurs, fin d’exécution, fourmillant de détails, mais dorénavant illisible.
Au moyen de collages, le texte est recréé à partir de découpages de lignes et de lettrines colorées découpées dans un Atlas ancien : la couleur est employée en guise de texte et parle un langage visuel universel, tandis que l’absence de signes calligraphiés en rend la lecture apparemment incompréhensible.
Chaque oeuvre est titrée en hommage au recueil de poèmes en prose Gaspard de la Nuit d’Aloysius Bertrand. Dans cet ouvrage, le poète a composé une suite de tableaux pleins de magie et d’ésotérisme, étranges et fantastiques, d’inspiration à la fois romantique, gothique et picturale, préfigurant le symbolisme et offrant une vision pittoresque d’un Moyen Âge revisité à l’aune de ses visions intérieures.
L’hermétisme de la forme plastique des Illuminati fait écho à la citation de Joris Karl Huysmans au sujet du manuscrit dans À rebours : « Ce fantasque Aloysius Bertrand a transféré les procédés de Léonard dans la prose et peint, avec ses oxydes métalliques, des petits tableaux dont les vives couleurs chatoient, ainsi que celles des émaux lucides. Ainsi conçus et condensés, ces tableaux en prose deviennent une communion de pensée entre un magique écrivain et un idéal lecteur, une collaboration spirituelle consentie entre dix personnes éparses dans l’univers, une délectation offerte aux délicats, accessible à eux seuls. »