La série photographique intitulée « Protectors » traite de la perduration des mythes et de la cohabitation du monde profane dans la représentation du sacré. Elle juxtapose l’aspect corporatif de métiers reliés à la représentation superstitieuse de protecteurs.
Dans la religion chrétienne a priori monothéiste, les cultes voués à tout un cortège de Saints renvoient à la pléiade de divinités rencontrées dans les civilisations antiques. Ces derniers constituent ainsi souvent les avatars de ces mêmes dieux, et assurent la survie de rituels ancestraux et de croyances païennes avec lesquelles l’Eglise s’est ultérieurement « arrangée »… Ainsi, au Moyen Âge, les très puissantes corporations de métiers se regroupèrent sous l’égide et le patronage de Saints afin d’obtempérer au commandement de l’Eglise qui redoutait leur influence croissante et l’organisation d’un contre- pouvoir laïque.
Les croyances et superstitions rattachées aux légendes des existences terrestres de ces «Idoles» variaient selon les régions et les époques, ce qui ajoute encore au folklore : très souvent différents saints furent proposés pour remplir la même fonction, de même que des fonctions variées furent attribuées à un même saint …
La série s’attache à illustrer librement et arbitrairement certains de ces « super- héros » d’autrefois, sous forme de portraits archétypes, parfois ironiquement oxymores et teintés d’étrangeté. Le traitement esthétisant renvoie à l’univers pictural : les icônes marmoréennes peintes de blanc, illustrant parfois le martyre subi, muni de l’attribut du métier représenté, baignent dans une lumière sépulcrale.
Evidemment, il s’agit là d’un travail de « représentation-digression » qui, à travers la fixité et la frontalité de l’iconographie médiévale, tout en limitant les éléments du contexte environnant, emprunte également à la statuaire du nu antique l’expression selon laquelle la beauté du corps exprime celle de l’âme, comme une tentative d’hybridation et de superposition de deux modes de représentation.
En outre, l’utilisation d’«objets-apanages» permet d’ancrer le travail d’une façon contemporaine dans la transposition du mythe avec des objets insolites de notre époque.
En conclusion, cette série traite d’un sujet qui est au cœur de la recherche artistique de Sabine Pigalle : l’héritage symbolique des mythes et leur imbrication dans notre culture moderne.